mardi 3 juillet 2012

Le Sergent et les ondes radio, interview FML

Chers Black Listers,
Voici une interview d’Eric Maddox à la radio (de nouveau). Même s’il expose les mêmes choses que dans les précédents articles, j’ai pensé que ça pouvait être intéressant pour tout le monde de vraiment savoir ce que ce monsieur avait dans la tête lors de la traque de Saddam…
Comme d’habitude (je me répète), traduction maison, soyez indulgents parce qu’une demi heure de traduction seulement à l’oreille ce n’est pas du gâteau qu’on soit bilingue ou pas ;)
Je vous préviens, cette interview est longue =]


Article et écoute de l'émission FML (Faith Middleton Show)

De Publishers Weekly:

En 2003, le sergent Maddox était un spécialiste des interrogatoires sur son premier assignement sur le terrain en Iraq, récoltant des informations sur les «bad guys» (mauvais garçons). La chute inattendue du régime de Saddam Hussein a élargie cette catégorie (de «bad guys»). Envoyé à Tikrit, la ville natale de Saddam, Maddox ne trouva aucun système de référencement des détenus afin d’identifier les cibles prioritaires. Cela a commencé à changer lors de l’interrogatoire d’un des gardes du corps de Saddam, l’un des premiers interrogatoires sérieux de Maddox et le premier pas vers la capture de Saddam. Avec l’aide de l’écrivain freelance Seay (co-auteur de Hello Charlie), Maddox emmène les lecteurs dans des jeux de questions-réponses de niveaux multiples et de forte intensité qui nous mèneront doucement, avec beaucoup de faux départs et de fausses pistes, à la cachette de Saddam. Maddox ne fait aucun secret de ses erreurs: la perte de son sang-froid, la perte de contrôle des interrogatoires, la recherche d’informations plutôt que de cultiver certaines idées. «Nous n’étions pas aux Etats-Unis et mon boulot n’était pas de faire justice», écrit-il. Son point de vue est le bienvenu en ce qui concerne les techniques d’interrogations, souvent de secondes mains. La capture de Saddam Hussein, comme tout bon travail d’informations, représentait 5% d’idées et 95% de patience. La brutalité, Maddox est clair à ce sujet, n’était pas vraiment contre productive mais non nécessaire.


"La véritable histoire de la traque de Saddam Hussein, Eric Maddox interviewé par Faith Middleton pour WNPR – Connecticut Public Radio


Faith Middleton: Au centre du quartier d’art de New Haven, je suis Faith Middleton et cette émission traite de la richesse de la vie. Merci de nous écouter à Rhode Island, dans le Connecticut et à New York ainsi que dans l’est de Rhode Island, sur internet ou dans le monde entier sur notre site.

Alors que l’annonce choquante de la capture de Saddam Hussein fut faite le 14 décembre 2003, il a été révélé l’une des plus grosses affaires de l’histoire avec ses troupes militaires, ses forces spéciales, ses informations et ses dépenses utilisées avec intelligence. Aucun endroit n’a été mis de côté après l’invasion: chaque recoin, chaque caillou, chaque indice, chaque piste ont été retournés pour retrouver les anciens partisans du régime. De toutes les cibles de grandes valeurs représentées sur un jeu de carte par l’armée américaine, Saddam était l’as de pique. Mais, ce livre retrace la traque de cet homme, ainsi que le personnel impliqué qui ne devait pas être révélé au public. Eric Maddox était le sergent ayant organisé la capture de Saddam. Mission: Black List #1 – The Inside Story of the Search for Saddam Hussein - As Told by the Soldier Who Masterminded His Capture est le livre qui révèle l’envers du décor de la capture de Saddam par l’homme qui a réussi où beaucoup d’autres ont échoué.
Le sergent Eric Maddox a reçu de nombreuses récompenses: l’award du directeur de la DIA (Defense Intelligence Agency), la légion du mérite, l’étoile de bronze et la médaille de la réussite de l’Intelligence Nationale (Information) pour son rôle clé dans la capture de Saddam Hussein, il est originaire d’Oklahoma et vit désormais à San Antonio au Texas, et nous l’avons au téléphone.

Bienvenue dans l’émission!

Eric Maddox: Merci Faith, merci de me recevoir!

Faith Middleton: Dites-moi pour quelle raison avez-vous été envoyé en Iraq à la base?

Eric Maddox: C’était très simple, j’ai été envoyé en tant qu’interrogateur pour donner un coup de main aux forces spéciales qui étaient chargées de capturer des cibles de grandes valeurs, notamment Saddam Hussein. En tant qu’interrogateur, notre mission est d’interroger tous prisonniers capturés qu’ils soient coupables ou innocents. Après deux jours passés à Bagdad, j’ai été envoyé à Tikrit auprès d’une unité des forces spéciales composées de douze hommes puis j’ai travaillé pour eux en tant qu’interrogateur à la solde de l’équipe.

Faith Middleton: Dans le livre, vous expliquez que les personnes qui occupaient la place avant vous se centraient particulièrement sur la famille proche de Saddam Hussein, ce qui, en soit, est logique mais vous, vous aviez une autre idée.

Eric Maddox: Eh bien, Faith, ils avaient dans l’idée que la famille proche de Saddam mais aussi n’importe quelle personne du jeu de cartes (Deck of cards) pouvaient forcément nous mener à Saddam puisqu’ils faisaient partie de l’ancien Régime. Ce que j’ai fait lorsque je suis arrivé à Tikrit, c’est de coopérer avec les petits groupes, les «petites» gens des rues qui pourraient avoir un lien avec l’insurrection qui avait lieue contre les militaires. Après avoir parlé à une centaine d’entres eux, pendant environ deux mois et demi, une nouvelle insurrection a commencé à se développer, et cette dernière semblait tourner autour de quelques gardes du corps personnels et très rapprochés de Saddam et j’ai donc pensé que si Saddam voulait organiser une telle chose, il ne se servirait que de ses gardes du corps rapprochés pour diriger l’insurrection puisqu’ils n’étaient pas vraiment recherchés… Donc, lorsque j’ai réalisé ça, j’en ai parlé à cette équipe de douze hommes avec laquelle je travaillais et je leur ai conseillé de changé de tactique, de cibles… Nous devions nous concentrer sur ces insurgés de bas niveau qui travaillaient directement dans l’insurrection puisqu’ils voyaient tout…

Faith Middleton: Parce que ces derniers étaient très loyaux envers lui et la logique tendrait à dire que s’ils l’étaient pendant son mandat ils l’étaient sans doute encore donc cela voudrait dire qu’ils étaient encore en contact avec lui pour lui venir en aide…

Eric Maddox: Exactement! Il s’agissait d’une partie de la logique… En fait, eh bien la logique était qu’il devait leur faire confiance, ces gars le protégeaient jours et nuits et il était celui qui donnait les ordres. Il y a certains gardes du corps qui étaient impliqués et lorsque nous interrogions les sous fifres, nous leur demandions toujours pour qui ils travaillaient et à chaque fois, seuls deux noms ressortaient. Alors, pour moi, l’étau se resserrait. Nous ne devions pas nous concentrer sur tous les gardes du corps mais sur deux d’entres eux. Et nous ne les recherchions pas à la base…

Faith Middleton: Vous écoutez le sergent interrogateur Maddox de l’armée américaine qui raconte pour la première fois l’histoire de la capture de Saddam Hussein dans son livre Mission: Black List. Comment avez réussi à persuader ces partisans ou leur famille à vous délivrer des informations?

Eric Maddox: Eh bien, nous avions un certain regard qui n’était pas celui des autres équipes. Il ne nous suffisait pas de commencer du plus bas niveau de l’insurrection pour ensuite remonter dans la hiérarchie des insurgés. Chacun avait un lien avec une autre personne sur la carte des personnes impliquées et peu importait qui faisait quoi, s’ils étaient partisans ou famille de partisans, et nous nous sommes servis de ça lorsque nous les interrogions. Nous leur expliquions que nous étions au courant que leur famille était impliquée (cousins, frères…) et donc que ces derniers étaient en danger à cause de leur implication… En réalité, nous travaillions sur les réseaux familiaux entiers afin de leur montrer qu’il était plus judicieux de parler pour le bien de leur famille, nous nous servions de cet avantage là.

Faith Middleton: Mais pourquoi vous aidaient-ils alors qu’ils pouvaient juste dire «non» ?

Eric Maddox: C’est assez simple, je suis en train de parler à un individu qui a été acteur dans l’insurrection et je lui demande de me mener à un autre membre de son groupe. Je lui explique qu’il peut me mener lui-même au prochain membre de son groupe ou alors je peux aller chercher cette information chez son frère, son père, son cousin «parce qu’ils savent tous ce que tu fais. Peut-être même que ton cousin t’a donné un peu d’argent pour financer tes activités… Alors, mène-moi à eux où je peux traquer ces gens, ta famille, et ils vont me mener où j’ai envie qu’ils me mènent.» Et il sait que c’est la vérité, qu’ils ont des informations qui peuvent nous faire accéder à la prochaine étape. C’était très simple, soit ils nous menaient là où nous voulions, soit, étant donné que j’étais à Tikrit et leur famille aussi, nous allions directement les voir… Et je pouvais «aller à la fenêtre» (littéralement: regarder au dessus de la barrière), pointer du doigt à deux blocs de là et dire «tiens, c’est ton cousin là bas, je pourrais aller lui demander maintenant, j’en aurais pour cinq minutes… Ou alors tu me dirige vers la prochaine étape. A toi de choisir.»

Faith Middleton: Hum. Et à combien de ces familles avez-vous parlé ? Qui étaient d’accord pour coopérer ?

Eric Maddox: Je dirais que pendant mes 5/6 mois sur place, j’ai effectué environ 300 interrogatoires et il y a eu à peu près 15 pistes solides… Les interrogatoires pouvaient durer de 2 heures à 20 heures et on ne pouvait pas savoir lorsqu’une information solide pouvait tomber. Il était possible d’avoir quelques renseignements qui pourraient nous aider pour passer à l’étape suivante mais il fallait vraiment vraiment creuser pour avoir une bonne information. Et en 5 mois, 12 de ces informations se sont avérées bénéfiques…

Faith Middleton: 5 mois, c’est très long… Et pendant la première partie de cette mission, ces deux mois et demie, vous avez interrogé des prisonniers dont les informations étaient ou non importantes, c’est ce qu’est l’art des interrogatoires, avez-vous eu du mal à convaincre vos supérieurs de vous laisser continuer sur cette piste ?

Eric Maddox: Pour plusieurs raisons, j’ai du le faire Faith. D’abord, notre équipe de forces spéciales n’utilisaient pas les informations récoltées en interrogatoire pour les raids. Les informations nous servaient juste en phase stratégique, il s’agissait d’une illustration. Alors, lorsque j’étais là bas, j’ai essayé de guider l’équipe vers des insurgés dont les gens que nous avions capturés me parlaient en interrogatoire. C’était l’une des difficultés. Et l’autre difficulté était qu’ils comprenaient la possibilité que 80% de ce que me disait un prisonnier pouvait être un mensonge ou une vérité arrangée. Et il fallait que je convainque le commandant que j’étais capable de dire quels étaient les 20% qui ne mentaient pas, ceux à qui nous pouvions faire confiance et agir en conséquence. Il faut aussi comprendre qu’il est difficile pour le chef d’une équipe de faire confiance à un insurgé que nous avons capturé et c’est aussi difficile de me faire confiance parce-que «pourquoi te faire confiance Eric sur ces 20% de vérités alors que 80% sont des mensonges…».

Faith Middleton: Comment pouviez-vous savoir quelle partie des informations était vraie ?

Eric Maddox: Dans leur façon de raconter leur mensonge et le «timing» de ces mensonges. Par exemple, si je faisais un interrogatoire de 15 heures, j’essayais de leur faire raconter l’histoire petit bout par petit bout pour pouvoir la reconstituer et voir s’ils me menaient en bateau ou s’ils exagéraient certains détails et à la fin, après des heures et des heures d’interrogations, je pouvais déterminer si le prisonnier allait continuer à mentir sur la localisation de son frère, de son père ou de son fils mais petit à petit il s’ouvre pour me donner des informations sur d’autres individus. Et c’est alors qu’on essaye de faire jouer les compromis, qu’il ne savait pas que je n’avais pas le droit de faire. Il faut se concentrer sur des sujets où ils laisseront filtrer certaines informations et ensuite on peut comparer ce qu’il révèle avec l’histoire et les mensonges qu’il a pu dire. C’est à partir de la qu’on peut définir les informations vraies des fausses, on fait une sorte de jugement.

Faith Middleton: Quand ces mensonges sont dits, comme vous l’avez précisé 80% du temps, est-ce que vous en êtes tous les conscients et c’est une sorte de jeu ou… ?

Eric Maddox: Ce n’est pas un jeu que nous faisons. Puisque vous leur dites qu’ils mentent. Ce n’est pas un jeu. On sait tous les deux qu’il ment, et nous l’acceptons mais la plus dure des choses est, surtout chez les hommes Iraquiens, qu’il faut accepter qu’ils mentent. Et je ne vais pas les faire admettre leur mensonge mais je les autorise à me dire «je me suis trompé» ou encore «j’ai rêvé de ça hier soir, Eric je sais que je ne l’ai pas vraiment vu mais hier soir j’ai rêvé de cette localisation précise» et les gens pensent que je suis fou «comment peux-tu faire confiance à un rêve ?!», je ne fais pas confiance au rêve, mais je dois faire ressortir cette vérité. Et ils comprennent ce jeu, ils comprennent les règles du jeu donc il faut faire jouer son meilleur jugement.

Faith Middleton: Donc, l’idée n’est pas de les blâmer, de les rendre honteux…

Eric Maddox: Le but n’est pas de les punir…

Faith Middleton: Non, bien sûr mais je voulais dire que le but n’est pas de les faire se replier sur eux-mêmes ?

Eric Maddox: Oh, la pire chose que vous puissiez faire est de les appeler «menteurs», ils savent qu’on se rend compte de leur mensonges mais ils ne doivent pas l’admettre. Ils peuvent dire qu’ils se sont trompés ou qu’ils étaient effrayés ou qu’ils sont confus «je n’ai pas compris le sens de ta question, Eric». C’est comme cela qu’ils peuvent me parler, pas en les accablant de honte.

Faith Middleton: C’est tellement intéressant. Nous allons vous garder, nous allons faire une petite pause et reprendre cette conversation car j’ai tellement de choses à vous demander sur le sujet.
Nous sommes avec Eric Maddox, auteur de Mission: Black List #1 qui traite de la capture de Saddam Hussein et nous allons revenir dans environ 90 secondes, restez avec nous.
C’est Faith Middleton, merci infiniment d’écouter cette conversation plus qu’intéressante avec le sergent Eric Maddox qui a été entraîné à l’art des interrogatoires et qui faisait partie de cette équipe d’élite envoyée à Tikrit pour rechercher Saddam Hussein. Les professionnels sur place, en Iraq n’aimaient pas vraiment cet endroit, ils ne voulaient pas vraiment y aller puisque selon eux rien ne se passait vraiment à Tikrit. Ce livre raconte donc l’histoire (inconnue du grand public) de la capture de Saddam Hussein. Et, si vous rejoignez l’émission seulement maintenant, nous étions en train de nous concentrer sur l’art de mener un interrogatoire.

Lorsque vous interrogiez une de ces personnes et que vous leur mettiez la pression afin qu’ils parlent en les informant que si vous n’aviez pas de réponses vous alliez parler à leur famille, comment les approchiez-vous au début ? Était-ce difficile de frapper à leur porte en leur disant «mon équipe et moi voulons vous parler» ou est-ce que vous rentriez en dégainant les armes? Comment cela se passe-t-il?

Eric Maddox: Lorsque nous avions une information sur un individu, nous partions pour le raid et nous prenions avec nous toutes personnes susceptibles de nous être utiles en plus des individus que nous voulions: deux frères, un père. Peu importe qui était là. C’est la chose que j’essaye d’enseigner lorsque je tiens mon cours sur l’art d’interroger, on ne part pas pour un raid pour «prendre» une seule personne, il faut aussi penser aux membres de la famille et aux très proches personnes qui sont susceptibles de nous aider car elles ne font pas partie de l’insurrection et donc il y a une chance pour qu’elles n’haïssent pas vraiment les forces américaines. Mais, dans une maison où nous effectuons un raid, il y a quelques fois 6 à 8 personnes dont nous aurions besoin et par la suite je les interrogeais tous.

Faith Middleton: Il y a une partie que je n’ai jamais comprise… Pourquoi ces gens, je ne sais pas combien ils étaient, mais pourquoi étaient-ils si loyaux envers Saddam Hussein alors que nous avions entendu tant de choses monstrueuses à son sujet? Quelle était cette emprise qu’il avait sur les gens?

Eric Maddox: En partie, il s’agissait de la pression qu’il mettait aux gens. La plupart des gens étaient des relations plus ou moins proches de Saddam (famille, cousin très éloignés) depuis des générations. Et Tikrit était son lieu de naissance, il avait donc des connexions et il en jouait puisque les gens avaient besoin d’un emploi et grâce à lui ils avaient d’assez bonnes situations. Et d’un autre côté, il y avait le fait que la guerre avait déjà frappé et qu’une minorité de personnes à Tikrit était Chiite… Saddam était Sunnite. Et tous se proches le sont également. Dans ce cas présent, il y avait plusieurs «poches» (petits groupes) de Sunnites qui réussissait à suivre et qui étaient susceptibles d’obtenir le leadership du pays, or s’ils accédaient à ce leadership, le régime de Saddam continuait…

Faith Middleton: Mais pour nous qui restons à la maison, nous nous demandons comment ces gens peuvent-ils toujours être loyaux alors qu’il a été renversé en même temps que son régime et qu’on ne sait même pas où il est… Pourquoi sont-ils toujours si loyaux?

Eric Maddox: C’est ce que les gens ne réalisent pas vraiment. Saddam dirigeait cette insurrection et les insurgés dans tout le pays jusqu’au jour de sa capture. En effet, l’homme que nous avons capturé et qui nous a enfin dit «oui je vous mènerais à Saddam», il était l’un des dirigeants de l’insurrection personnelle de Saddam dans tout le pays. Il n’était peut être plus le chef du gouvernement, mais des millions et des millions de dollars auxquels ils pouvaient accéder et il dirigeait cette insurrection.

Faith Middleton: Oui, expliquez-nous comment il a pu la diriger. C’est assez difficile d’imaginer quelqu’un qui se cache, notamment de la manière dont il se cachait, de diriger une telle organisation…

Eric Maddox: Eh bien, c’est encore une chose que les gens ont mal compris… Tout le monde pensait qu’il se cachait tout le temps dans ce trou à rat… Non, il ne l’était pas. Il vivait dans cette ferme qui était très bien cachée à l’est de la rivière Tigris où il y avait très peu de soldats américains. Il pouvait aller et venir autant qu’il voulait et seuls deux de ses gardes du corps connaissaient son exacte localisation. Maintenant, à partir de cet endroit, l’insurrection fleurissait grandement et il y avait environ 7 à 8 leaders de petits groupes d’insurrection qui reportaient directement leur travail à ces deux gardes alors qu’ils étaient à la tête d’une équipe de deux ou trois douzaines de personnes qui travaillaient sur le terrain. Et pendant ce temps-là, Saddam «pompe» des millions et des millions de dollars à ses partisans pour les besoins de cette insurrection alors que l’argent était dur à gagner à cette période surtout pour les Sunnites.

Faith Middleton: Comment a-t-il eu accès à cet argent?

Eric Maddox: C’est l’argent qu’il possédait lorsqu’il était au pouvoir. Il a déplacé environ 4 milliards de dollars cash et l’a placé en Syrie quand la guerre a commencé et l’argent que les gens ont vu lorsqu’il a été capturé, 750 mille dollars… Dans l’un des raids que nous avons fait six jours avant sa capture, toujours dans cette traque pour le trouver, nous sommes tombés sur 1.9 millions de dollars américains et l’individu, qui nous a mené à Saddam, avait dans sa ferme où un raid a eu lieu 3 jours après la capture de l’ancien président 11.2 millions de dollars américains chez lui. Tout cet argent qu’il a accumulé provenait de l’époque où Saddam avait le contrôle…

Faith Middleton: C’est extrêmement choquant. Nous sommes avec Eric Maddox, ancien sergent de l’armée américaine qui a mené à la capture de Saddam Hussein qu’il raconte dans son livre Mission: Black List #1. Nous avons mentionné rapidement de ce dernier interrogatoire, car vous avez parlé à tous ses amis, à tous ces gens et leur discours est à 80% faux contre 20% vrai. Vous avez fait une sorte de charte…

Eric Maddox: Un diagramme.

Faith Middleton: Un diagramme.

Eric Maddox: Qui changeait chaque jour selon les informations valables que nous récoltions et nous allions faire des raids qui apportaient ou non quelque chose. Chaque jour nous l’arrangions mais en résumé, il s’agissait d’un diagramme d’environ 60 à 70 personnes où nous faisions le lien entre les individus qui pourraient d’une manière ou d’une autre nous mener à Saddam.

Faith Middleton: Vous avez mené votre dernier interrogatoire, celui qui a le plus compté puisqu’il vous menait à l’endroit précis où se trouvait Saddam, dites-nous tout sur cet interrogatoire.

Eric Maddox: Il s’agissait de mon dernier jour en Iraq, mon dernier interrogatoire puisque ma mission prenait fin en ce 13 décembre 2003. A 8 heures du matin, je devais me trouver dans un avion en direction de Doha, j’avais fini ce pour quoi j’étais venu en Iraq. Le 12 décembre, nous pensions être extrêmement proches du but, c’est-à-dire de Saddam, mais nous n’avions rien trouvé. Le 12 décembre, nous avons effectué un raid pour capturer Muhammad Ibrahim qui était l’un des gardes du corps rapproché de Saddam et qui pourrait nous mener à son leader. Nous sommes allés dans son repaire et chez lui, nous y étions à minuit le 13 décembre et nous ne l’avons pas trouvé. Nous avons capturé 4 personnes et j’ai commencé à interroger l’un deux à 4 heures du matin et après quelques heures d’interrogatoire il m’a avoué que Muhammad Ibrahim était bien dans cette maison lors du raid. Je suis allée voir les trois autres prisonniers et effectivement nous l’avions. Et alors, à 6 heures du matin, j’ai pu (enfin) interroger Muhammad Ibrahim. J’ai pu discuter avec lui de ses options, que je l’ai recherché pendant 4 mois, que j’ai traqué plusieurs membres de sa famille. Je lui ai expliqué que s’il ne me menait pas à Saddam j’allais continuer de traquer sa famille, je connaissais l’endroit où se trouvaient au moins 20 personnes de sa famille. Je savais qui il était, il savait qui j’étais. Et à 7h45, le 13 décembre, 15 minutes avant de monter dans mon avion, il nous a dit «oui, je sais où se cache Saddam, allons-y»

Faith Middleton: Quand vous l’avez «menacé» de poursuivre les membres de sa famille, avez-vous dit «nous allons les détruire», «nous allons les emprisonner à vie ? Que lui avez-vous dit sur sa famille ?

Eric Maddox: J’espère qu’il ne l’a pas ressenti comme une menace. Je l’informais seulement de ce qui allait venir s’il ne nous aidait pas… C’est comme ce dont nous avons parlé précédemment. Je lui ai dit «Muhammad Ibrahim, si tu ne me dis rien, alors nous allons aller demander aux membres de ta famille qui ont peut être des informations à nous donner… Alors que si TU nous mène à Saddam, je n’aurais pas besoin de leur demander quoi que ce soit. Si je t’ai traqué Muhammad Ibrahim c’est parce que tu es en mesure de me mener à Saddam et dans ce cas là je n’aurais ni besoin de toi par la suite, ni de ta famille. Mais si au contraire tu ne m’aide pas, les 40 membres de ta famille que nous avons déjà resteront en prison et les 20 autres les rejoindront assez vite» et voilà ce que j’ai dit. Je ne sais pas s’il l’a pris comme une menace. Ce n’en est pas vraiment une puisqu’il s’agit d’une vérité…

Faith Middleton: En réalité, il voulait protéger sa famille. Mais en réalité, qu’est-ce que cela lui apporte personnellement? Est-ce qu’il ressort avec quelque chose de cette révélation ?

Eric Maddox: Cela ne lui apporte rien. Il restera en prison. Il n’a rien demandé. Il réalise que ses actions ont causées la mort de centaines de soldats américains et de milliers d’Iraquien. Alors il ne pouvait rien demander pour lui-même. La seule chose qu’il a demandée était la libération des 40 membres de sa famille. Il savait que s’il nous menait à Saddam alors nous laisserons les 20 autres.

Faith Middleton: Et les avez-vous relâché ?

Eric Maddox: Oui, absolument.

Faith Middleton: Bien, alors parlons de ce moment où il vous dit «je sais où il est je vais vous mener à lui» qu’avez-vous senti à ce moment-là ?

Eric Maddox: J’aurais pu être heureux à ce moment-là mais je suis resté assez statique et la seule chose à laquelle j’ai pu penser était de sortir un bout de papier et commencer à faire une carte avec la localisation de Saddam. Comme je l’ai dit, j’ai effectué plus de 300 interrogatoires pendant ces 5 mois et 12 d’entres eux ont porté leurs fruits, donc cela fait 288 qui n’ont rien apporté… On ne veut jamais penser que ça peut être ça… Il n’y a qu’une seule chose à faire, qu’une seule chose qu’on est capable de faire, c’est de dessiner comme on peut cette carte et essayer d’avoir le plus de détails possible, de garder son calme parce qu’on n’est pas encore sorti d’affaires tant que ce n’est pas fini. Alors je pense que ce que je ressentais à ce moment-là c’était plutôt le passage à l’étape suivante, ce qu’on allait faire à partir de là… Dessiner ce plan, prévenir l’équipe de Bagdad pour qu’elle puisse prévenir celle de Tikrit afin qu’ils fassent ce raid avant que je parte, j’ai essayé de contacter le commandant avec qui je devais partir pour le prévenir de mon retard…

Faith Middleton: Bien sûr. Et que s’est-il passé? Le commandant vous a-t-il permis de rester plus longtemps? Étendre la durée de votre mission ?

Eric Maddox: Le commandant et moi nous sommes repartis ensemble, c’était une personne importante, nous avons volé ensemble jusqu’à Doha et un sergent comme moi ne pouvait pas l’en empêcher… Et le vol était tendu avec ce qu’il venait de se passer et lors de notre arrivée à l’aéroport il a été appelé et dans les 15 minutes qui ont suivi il repartait déjà pour l’Iraq, sauf que je devais donner un débriefing à Doha et donc je ne pouvais pas repartir avec lui. Je devais dire aux officiels ce qu’il se passait, les avancées que nous avions faites en terme d’informations et surtout ce qu’il se passait en ce 14 décembre. Et le commandant m’a dit «j’y retourne, toi tu les informe de tout ce qu’il vient de se passer». J’étais d’accord avec ça, enfin, je n’avais pas besoin d’aller sur place, j’avais déjà travaillé avec les forces et ils n’allaient pas avoir besoin de moi pendant le raid. Ils avaient besoin de quelqu’un qui pouvait les mener à Saddam Hussein et le prisonnier avait promis de le faire alors mon boulot était fini.

Faith Middleton: Nous sommes avec Eric Maddox, ancien sergent de l’armée américaine qui a mené la capture de Saddam Hussein et qui raconte son histoire dans le livre Mission: Black List #1. Est-ce que vous pensez vraiment cela? Je veux dire, après avoir passé autant de temps là-bas, laisser une autre équipe faire le boulot… Si j’avais travaillé dur comme vous, j’aurais voulu voir de mes propres yeux ce qui allait se passer, j’aurais voulu voir son visage, l’endroit où il s’est caché… Est-ce que cela a été dur pour vous ?

Eric Maddox: On m’a posé la question, bon nombre de fois, mais ça ne me gêne pas vraiment… Enfin, je veux dire, ce n’est pas mon boulot, ce n’était pas ma mission… Qui se préoccupe que j’ai vu Saddam ou non? Il a été capturé, il va passer devant la commission, le boulot est fait, peu m’importe de le voir ou non… Je suis reconnaissant qu’il n’ait pas été relâché et qu’il soit désormais mort mais ça ne change pas que je le vois ou pas. La meilleur chose à propos de tout ça était que l’année qui a suivi j’ai été embauché pour les relations avec les civils par le département de défense tant en Iraq qu’en Afghanistan et cela prouve qu’ils me font désormais confiance dans mon boulot. Lorsque je suis arrivé pour la première fois en Iraq en juillet 2003, je n’avais aucune expérience dans l’art d’interroger, ce devait-être mon deuxième interrogatoire et encore je n’en avais jamais vraiment fait un véritable… Et un an plus tard, ils me renvoient là-bas en me donnant ce travail avec toute leur confiance. Pour moi, c’est très important...

Faith Middleton: Ce livre, pour moi, est un témoignage de ce que doit être un interrogatoire en opposition à la torture. Quel genre d’interrogatoire est-ce que vous mené désormais? Au sein des Etats-Unis ou en dehors ?

Eric Maddox: Oh! En dehors des Etats-Unis. Les missions sont plutôt en Iraq, en Afghanistan et un peu partout dans le monde en fait. Et comme je l’ai dit, avant mon arrivée en Iraq, à Tikrit avec ces douze hommes, je n’avais jamais vraiment fait d’interrogatoire et j’étais le seul interrogateur sur place… Je n’ai pu observer personne donc j’ai, on va dire, appris de mes erreurs en 300 interrogatoires et croyez-moi avec les erreurs que j’ai faites, vous apprenez vite et j’ai pu développer mon propre style d’interrogatoire, c’est-à-dire travailler avec un prisonnier. La chose première que j’ai apprise c’est à me mettre à la place de ces prisonniers. Je n’avais pas d’empathie pour eux mais je devais comprendre dans quelle situation ils se trouvaient. Alors que la torture vous ramènent dans le passé, et j’entends des gens dire que la torture peut fonctionner, par exemple je peux vous dire en tant qu’interrogateur que lorsque vous vous y prenez bien il n’y a pas besoin de torture pour le faire avouer ce que vous voulez savoir…

Faith Middleton: Est-ce que vous aimez toujours ce que vous faites ?

Eric Maddox: Je pense que j’ai le plus beau des jobs du monde. La plus belle des choses dans ce travail est [désolée mais pour le coup monsieur Maddox parle trop vite pour bien comprendre mais en gros il dit que son travail l’emmène dans des endroits pas très reluisants (les prisons) et que ça n’attire pas grand monde] je ne pense pas que j’ai beaucoup de compétition et je trouve que c’est le plus sympa des boulots au monde puisque personne n’en veut.

Faith Middleton: Est-ce que vous avez une famille ?

Eric Maddox: Oui, j’ai deux fils qui vivent à Phoenix, Arizona et bien sûr ma famille vit en Oklahoma où je suis né et où j’ai été élevé. Et je vois mes fils tous les deux mois, notamment pendant leurs vacances et l’été.

Faith Middleton: Ce doit être dur pour eux de ne pas vraiment savoir ce que vous faites et où. Je pense toujours combien cela doit être dur lorsque la famille est à la maison…

Eric Maddox: Eh bien, mes fils sont nés en 2001 et 2002. J’ai été déployé 6 fois depuis 2002, ils étaient si jeunes ils ne savaient pas trop ce qu’il se passait alors on essayait de garder cette ambiance heureuse, je leur disais que je partais mais que j’allais revenir très vite avec des souvenirs alors le plus important est qu’ils ne se rendent pas encore compte des dangers et de la réalité des choses, ce serait un vrai miracle.

Faith Middleton: Vous n’avez eu aucun problème avec l’armée lorsque vous avez publié ce livre ?

Eric Maddox: Pas vraiment. J’ai soumis au département de défense publique un script d’un peu plus de 500 pages alors que le livre n’en fait 264 mais je voulais qu’ils aient toutes les informations susceptibles d’y apparaître. Et ils ont gardé le script pendant 9 mois puis ils me l’ont rendu avec des notes et je n’ai pas voulu le publier jusqu’à ce que Saddam soit mort pour des raisons évidentes que je ne voulais pas que mon livre soit utilisé contre lui ou dans cette affaire. Et donc nous avons attendons et quand le procès a pris fin, nous avons décidé de le sortir et voilà.

Faith Middleton: Merci infiniment.

Eric Maddox: Merci à vous.

Faith Middleton: Eric Maddox, ancien sergent maintenant interrogateur en Iraq pour le département de la défense. Il a mené la capture de Saddam Hussein et nous faire part de son histoire dans le livre Mission: Black List #1…»


Voilà les Black Listers, de quoi cerner un peu le personnage d’Eric et d’en connaître un peu plus!
Bonne soirée;)

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