Voici la vidéo du sergent. La traduction est de nouveau faite maison.
Bon visionnage et bonne lecture!
"Eric Maddox est le militaire interrogateur à qui l’on a donné crédit pour la mise en place de la capture de Saddam Hussein. Le sergent Maddox est l’auteur du livre «Mission Blacklist» où il fait part de son expérience en Iraq.
Il a parlé à TEDxOKC de son idée que, dans le futur, les guerres pourraient se faire plus rapidement (sauvant donc plus de vies) grâce à l’augmentation de l’intensité et de l’entraînement dans le domaine de l’interrogation et de la récolte des informations."
Traduction de la vidéo
"En juillet 2003, j’étais à Bagdad, au cœur des opérations spéciales dont la mission était de capturer des cibles de grandes valeurs (High Value Targets) en Iraq.
La cible numéro 1 (#1) étant Saddam Hussein.
Quelques jours à peine après mon arrivée, on me signale qu’ils ont besoin d’un interrogateur à Tikrit, au nord de Bagdad, pour un raid de nuit. J’ai embarqué un unique change, je suis monté en hélicoptère et j’ai commencé la mission qui changera ma vie pour toujours.
A Tikrit, j’ai été récupéré par une équipe des forces spéciales. Ces huit hommes étaient les soldats les plus compétents des Etats-Unis mais ils leur manquaient un interrogateur…
Dès que je suis arrivé, nous sommes partis pour le raid où ils ont capturé une poignée de prisonniers.
Il faut savoir qu’avant mon arrivée à Tikrit je n’avais pas vraiment d’expérience en tant qu’interrogateur, je n’avais jamais vraiment mené d’interrogatoires réels… Alors, j’ai repensé à ma formation de 1999 qui avait duré huit semaines, et je m’y suis mis! *rires*
J’ai interrogé les prisonniers qu’ils avaient capturés ce soir-là puis j’ai interrogé des prisonniers qu’ils avaient arrêtés les semaines précédentes. J’ai pratiqué ce que l’on appelle «they in, they out» (ils sont dedans, ils n’y sont pas), constamment, et, au bout d’une dizaine de jours, quelque chose devenait très clair: je n’arriverais à faire parler personne! *rires*
Ils ne voulaient pas «s’ouvrir» à moi, ils ne voulaient rien me révéler. J’ai utilisé toutes les méthodes et tactiques que j’ai apprises en formation.
Mais bien sûr, ça n’a pas fonctionné.
On m’a enseigné à l’armée la façon d’interroger un prisonnier militaire ennemi. On m’a appris à interroger un Allemand de première ligne lors de la seconde guerre mondiale. On m’a appris à interroger un soldat ennemi qui portait un uniforme, une arme et qui avait une mission à mener.
Tout ce que j’ai appris n’était que matériel de formation… Et dans aucun des scénarios le prisonnier ne pouvait nier qu’il appartenait au camp adverse, qu’il soit soldat ou militaire. Tous les interrogatoires commençaient avec l’aveu de l’appartenance à l’ennemi, au minimum.
Mais, en juillet 2003, l’armée Iraquienne était déjà dissolue. Nos ennemis étaient des insurgés, mélangés à la population. Ils sont la population. Ils ont gardé leurs jobs alors qu’ils préparaient leurs opérations la nuit. Ils ont créé des identités secrètes car ils savaient qu’ils ne pouvaient pas battre l’armée américaine sur un champ de bataille. Lorsqu’ils étaient capturés, ils étaient chez eux, habillés en civil, endormis et sans une foutue arme. Et lors de leurs interrogatoires, ils niaient leur implication dans le mouvement des insurgés.
Après plusieurs douzaines d’interrogatoires, pendant lesquelles je n’ai pu obtenir aucune information utile, je suis allé voir l’analyste de l’équipe en lui demandant comment faire pour que ces prisonniers se confient… Et la réponse était très claire en termes d’interrogatoire. Nous nous battions dans une guerre différente de celle que l’armée des Etats-Unis m’a formé pour: ils s’attendaient à combattre une armée, pas des insurgés. Et je savais que si je voulais des informations vraiment utiles, j’allais devoir changer ma façon de mener un interrogatoire, surtout si je ne voulais pas être inutile dans cette guerre.
Mon séjour à Tikrit est passé de 48h à quatre mois et demi. J’y ai mené plus de 300 interrogatoires.
A partir de décembre 2003, j’ai établi une théorie fiable que deux individus dans tout l’état d’Iraq pouvaient me mener à notre cible numéro 1, Saddam Hussein.
A deux heures du matin, cette équipe de huit hommes à Tikrit, a organisé un raid et a capturé l’un de ces deux hommes: Muhammad Ibrahim Omar Al-Muslit.
Muhammad Ibrahim était l’un des plus proches gardes du corps de Saddam Hussein.
Depuis septembre 2003, Saddam Hussein a coupé tous liens avec sa famille, avec les membres de son ancien régime et avec ses anciens gardes du corps… Tous, sauf Muhammad Ibrahim.
A deux heures du matin, cette équipe de huit hommes avec qui j’ai passé quatre mois et demi, a mené un raid et à trois heures du matin, ils ont capturé Muhammad Ibrahim. A cinq heures du matin ce dernier est conduit dans les locaux où je me trouvais pour un interrogatoire et à sept heures du matin, le 13 décembre 2003, Muhammad Ibrahim, très engagé et très avidement, m’a confié l’exacte localisation de Saddam Hussein. A vingt heures ce même soir, la même équipe de huit hommes de Tikrit a organisé un raid et Muhammad Ibrahim les a mené droit vers le trou à rats où se cachait précisément son patron et ancien président, Saddam Hussein.
Pourquoi a-t-il fait ça?
Je ne l’ai pas torturé… Je n’ai touché aucun de ses cheveux…
Etais-je chanceux?
Etait-il un homme faible?
L’homme à qui faisait confiance Saddam Hussein, avec sa vie, n’était-il qu’un homme faible?!
Quatorze jours avant la capture de Saddam, j’ai interrogé le chauffeur de Muhammad Ibrahim. Le seul homme auquel Muhammad Ibrahim donnait sa confiance plus qu’à n’importe qui d’autre au monde ! Et pourtant, il m’a mené à Muhammad Ibrahim.
Deux semaines avant cela, j’ai interrogé un autre homme qui m’a mené au chauffeur.
Étaient-ils tous faibles? Ou se sentaient-ils en petite forme?
J’étais à Tikrit et je ne pouvais réussir à faire parler qui que ce soit. Et par là, je veux bien dire personne!
A partir de la première semaine de novembre, j’ai pu établir un diagramme précis de liens, un peu comme une carte routière, qui nous guiderait vers Saddam. Ce diagramme était construit sous forme de neuf étapes. Chaque étape correspondait à un individu. Chaque individu devait collaborer ou nous ne pourrions jamais le retrouver (Saddam NDLR).
Alors quelles sont les chances?
En tant qu’interrogateur, mon rôle est d’accumuler le plus d’informations, aussi minimes soient-elles, pour l’équipe avec laquelle je bossais. Chaque petite chose que je faisais pendant mes interrogatoires, à la base, correspondaient à ce dont j’avais besoin, et pourtant je rencontrais un échec cuisant.
Dix jours après mon arrivée à Tikrit, j’interrogeais cet individu en particulier.
Il s’agissait d’un membre de l’ancien régime, un proche (plus ou moins) de Saddam et je savais qu’il avait cette information. Je l’ai interrogé, «on and off», pendant deux jours d’affilé… Aboutissant à aucun signe de coopération ou de discussion avec moi.
Pour la première fois depuis mon arrivée à Tikrit, j’étais frustré et je lui ai demandé quel était son problème.
«Pourquoi me mens-tu alors que tu sais que je suis conscient de ton mensonge?»
Et il est resté assis là, pendant plusieurs secondes, puis il m’a dit qu’il ne pouvait pas m’aider…
Alors, j’ai pensé, il peut m’aider, il est l’ennemi, mais je ne suis pas censé l’aider… Je suis supposé aider mon armée, mon équipe, moi-même.
Vous voyez, on m’a appris à aller à la guerre contre des armées. On a leur gars, qui sont devenus nos gars, nos prisonniers, jusqu’à ce que la guerre soit finie et qu’ils puissent rentrer chez eux.
Ces soldats qui font partis d’une armée, ils ne rentrent jamais chez eux la nuit. Ils passent leurs journées et leurs nuits sur les champs de bataille. Cela importait peu qu’ils deviennent nos prisonniers puisqu’ils appartenaient au front.
Mais ceux-là, ils étaient insurgés. Et si je regardais ces hommes et que je pensais aux autres douzaines de gars qui faisaient parties de cette rébellion et avec lesquelles je travaillais, je me suis dit, «vous ne pouvez pas m’aider mais qu’adviendrait-il si, moi, je pouvais vous aider?»
Car ces insurgés, nous les gardons parce qu’ils ont un potentiel et qu’ils peuvent nous révéler certaines informations dont nous pourrions avoir besoin mais si nous les renvoyions chez eux, ils retourneront à cette rébellion et donc jusqu’à notre ennemi une nouvelle fois. Par pour les crimes qu’ils ont proférés.
Nous ne pouvions pas laisser partir des soldats allemands pendant la seconde guerre mondiale parce que nous devions réagir par rapport à une armée entière… Ici, nous devions nous occuper d’individus agissant par petit nombre.
Qu’arriverait-il si nous nous occupions d’un seul paquet?
Que se passerait-il si nous prenions le leader d’un de ces petits groupes?
Je libère cet homme, il ne retourne pas au combat, il retourne à ses responsabilités et à son travail pendant la journée, il n’est plus vraiment une menace.
J’expliquais tout ça aux prisonniers, ils n’étaient rien mais tout ce qu’ils entendaient était qu’ils pouvaient rentrer chez eux. Et à partir du moment où j’ai réalisé cela, les interrogatoires ont commencé à devenir faciles.
Je ne jouais plus avec les prisonniers sur leur implication ou leur innocence. Je me suis mis à leur place, j’ai d’ailleurs une citation d’un grand homme et je l’ai écrite pour m’en souvenir aujourd’hui, de Robin Myers «Imagine ce que cela peut-être d’être l’autre personne» et en somme, c’est ce que j’ai fait.
Imaginer ce que c’était d’être eux. Se mettre à leur place. Voir leurs problèmes et cela résoudra tous les miens. Et à partir de ce moment, l’information coulait à flots.
Nous avons développé un diagramme impressionnant, comprenant une vingtaine d’insurgés de toute importance. Et tout cela créait le chemin qui nous menait à Saddam.
Et la plus belle partie de tout cela, est que le prisonnier réalisait à quel point cela importait dans sa sortie de prison, son retour chez lui. Il comprenait que dès l’instant où les autres insurgés, ses camarades, découvriraient sa capture, alors ils agiront… Il devait avoir une longueur d’avance pour éviter ça, et rapidement. C’est d’ailleurs pourquoi les insurgés que nous avions capturé finissaient par parler.
Mon image parfaite est de traquer chaque cible de valeurs du monde entier.
Quelle est la manière d’avoir cette belle photo? De traquer chaque insurgé capable de nous aider? Qu’en est-il des plus importants dans la hiérarchie?
Lorsque j’ai commencé à développer ces techniques, l’important pour moi était de récolter des informations pour mon équipe. Je n’espérais pas changer le visage du champ de bataille.
Mais, j’ai réalisé, après avoir été témoin du changement de forme des révélations, et de la mise en place de ces réactions en chaîne qui augmentent, que ces techniques, c’est comme ça que l’on gagne des guerres. Et quand je dis «gagner», je veux dire que dans les guerres nous prenons nos prisonniers, je leur explique leur situation et comment ils peuvent faire pour retourner chez eux… «Et si vous ne nous aidez pas, nous allons vous traquer. Les milliers d’Américains présents en Iraq vont vous traquer, vous, vos garçons et tous les insurgés. Ils vous traqueront jusqu’au bout, ils useront toutes leurs forces… Ce qui veut dire que je vais vous laisser seul dans votre maison. Mais si vous venez à moi, je vous donnerais une opportunité.»
Et ces insurgés, ils veulent rentrer chez eux avec cette opportunité de s’en sortir.
Donc, ils se livrent. Et pourquoi se livrent-ils?
Parce qu’ils ne font pas partie d’une armée, ou d’un gouvernement ennemi. Ils sont insurgés. Ils ont l’opportunité de baisser les armes et de rentrer chez eux, le plus simplement du monde.
Et si nous leur mettons la pression, si nous leur expliquons que nous allons les sortir de là, à l’inverse de s’ils continuent. Alors, ils nous permettent de dissoudre leur équipe et là ils pourront rentrer chez eux.
Et cette situation fonctionne avec des cas d’insurgés comme celui-ci.
Les insurgés n’ont pas de quantités astronomiques d’armes. Ils ne possèdent pas de tanks. Ils ne vivent pas dans des sites protégés. Ils se basent simplement sur leur identité, leur confiance et la communication.
Nous nous occupons des insurgés en les capturant de l’intérieur. Ils ont perdu notre confiance. Ils perdent leur communication et se demandent qui dans leur équipe d’insurgés a pu donner leur localisation précise pour qu’ils soient arrêtés.
Et là, ils ont l’opportunité d’être eux-mêmes (leur propre équipe), et de rentrer chez eux.
Alors que nous pratiquons cela, les insurgés se divisent. Les petites sections du champ de bataille… Quel est le dommage collatéral?
Le dommage collatéral, c’est le numéro 1 de ces petits groupes d’insurgés. Et c’est par cela que le moindre individu qui a un lien minime avec un autre individu d’un groupe d’insurgés, nous permet de créer une liste de dix personnes susceptibles d’appartenir à ce groupe. Et par rapport à ces techniques, nous réussissons à obtenir de ces prisonniers les localisations exactes de certains insurgés.
Aucun dommage collatéral. Les locaux ne savent même pas que nous étions là.
Quatre mois et demi, une équipe de huit hommes, ont permis la dissolution de vingt réseaux d’insurgés et la capture des hommes les plus recherchés du monde entier.
Là bas, pendant ces quatre mois et demi, nous n’avons tiré sur personne…
Nous n’avons tiré sur personne!
Aucun dommage collatéral…
Depuis le 11 septembre, j’ai été déployé à sept reprises. J’ai interrogé 25 000 personnes et j’ai été acteur de 200 raids.
Chaque fois, j’ai eu la chance d’améliorer ces techniques dans cette situation de combat. Et avec tout ça, les groupes d’insurgés ont été totalement dissous.
Et les bénéfices, du côté des Etats-Unis, étaient que nous avions dans nos prisons des tonnes et des tonnes de citoyens qui pouvaient nous aider à localiser ces insurgés et comme nous n’avions pas le nombre d’interrogateurs requis pour les interroger pendant des heures et des heures, nous ne pouvions prendre notre temps à définir quel citoyen pouvait faire partie ou non de ces réseaux, cela ne menait à rien puisque les interrogateurs ne pouvaient collecter d’utiles informations.
Cela résultait en une mauvaise information pour le commandeur qui par la suite ne faisait plus confiance aux interrogateurs… C’est comme si nous attendions de tomber sur le bon prisonnier, celui qui nous mènerait sur le chemin de notre ennemi.
C’est ça le boulot de l’interrogateur. On cherche des informations que les prisonniers nous donnent en faisant des compromis mais nous ne touchons en aucun cas au paysage…
Capturer Saddam, l’une des plus importantes cibles au monde, fut une immense expérience pour moi. Mais observer les insurgés sur un grand champ de bataille, tel que l’Iraq et l’Afghanistan, m’a montré que si nous approfondissons ces techniques, nous aurions fini ces guerres en l’espace d’un an ou deux…
Lorsque je parle de la capture de Saddam, on me demande souvent «pouvez-vous trouver Ben Laden?». Et donc, je voudrais citer un autre grand homme, Chris Howard (joueur de football américain NDLR), qui a dit «Sois humble» et avec toute la modestie du monde, si jamais quelqu’un me demande de trouver Ben Laden et que j’ai l’opportunité d’utiliser ces techniques, nous essaierions.
J’aimerais citer Howard, une nouvelle fois, lorsqu’il dit «Sois responsable» si je ne le trouve pas, ils me laisseront là-bas. Merci à tous pour votre temps. Dieu soit avec vous. *applaudissements*
Dieu soit avec vous, et Dieu soit avec l’Amérique!"
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J'espère que cette vidéo vous a donné envie de lire le livre et de découvrir Eric Maddox, car, croyez-moi, ce sergent en vaut la chandelle!
Grrrrrrr moi ça me donne grave envie de le lire, mais moi et l'anglais on est pas très copain LOL...
RépondreSupprimerTu sais s'il sortira en français un jours? Comme il y'a deja le projet du film...
Merci pour cette trad :)))
C'est vrai que le livre est super! Et dis toi que là il est passionnant mais dans son livre c'est mille fois mieux!
RépondreSupprimerOn se renseigne du mieux qu'on peut pour la traduction du livre ;) On vous tiendra au courant!
Merci beaucoup :)
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